Aneta Gonţa (Moldavie)

Aneta Gonţa
et Ion Druță, le premier duo de la maison du Goupillou

Depuis la fin juin, Aneta Gonţa tient le rôle de la Première. Première résidente de la maison du Goupillou. Quelle pression ! À moins que, comme nous l’espérons, cette expérience ne soit que du plaisir studieux. Le sujet qu’elle porte en elle depuis des années et qu’elle vient coucher sur du papier est piégeux car il concerne l’emblématique écrivain moldave Ion Druță. Emblématique, car alerte et prolifique nonagénaire, il accompagne l’histoire chaotique et tragique de la Grande Roumanie, de l’URSS et de la République de Moldavie par de réguliers écrits traduits dans le monde entier. Piégeux, car, comme tout intellectuel complexe, Ion Druță s’exprime pour ceux qui prennent le temps de lire et de comprendre et pas pour ceux qui survolent à la recherche de polémiques ou de guéguerres de basse politique.

Ion Druță à l’Ambassade de Moldavie à Bucarest en 1990
© - wm commons - Ion Chibzii

Reconnaissons que s’exprimer sur les langues roumaine et moldave, les famines et les tragédies imputables au régime du temps des Soviétiques, ou sur l’union ou la non-union de la Roumanie et de la Moldavie après la chute de l’URSS n’est pas le meilleur moyen de se faire des amis !
Si on ajoute à cela, que l’homme habite Moscou et que sa femme était juive... les esprits chagrins ou complotistes se régalent. Sans oublier les critiques de ceux qui n’ont jamais lu une ligne de la Chose sacrée ou de l’Église Blanche. Mais Aneta Gonţa est une universitaire, journaliste aussi. Elle prend le sujet à bras le corps, agit comme une chercheuse et surtout connaît personnellement Ion Druță et l’interroge, le lit, l’étudie, contextualise ses paroles et ses écrits. En un mot, elle cherche à comprendre et à donner une lecture nuancée de l’œuvre et de la vie engagée de cet observateur hors du commun. Finalement être censuré par le régime soviétique et détesté par les penseurs d’extrême droite n’est-il pas la meilleure preuve d’une pensée à prendre en compte ?
La maison du Goupillou a été créée pour être un lieu qui permet de prendre de la distance, de s’isoler ou de faire face, yeux dans les yeux, à son sujet... C’est chose faite, Aneta a tout compris !


Aneta Gonţa et Nelly Vranceanu, administratrice de la maison du Goupillou
© Le blogue du Goupil

Aneta et le goupil
Nous, la maison du Goupillou, jouons beaucoup avec l’image du goupil, c’est normal, quand on s’appelle la maison du Goupillou, non ? Et pourtant, pour Aneta Gonţa, « l’omniprésence » de ce petit animal futé dans notre résidence aurait pu être un repoussoir infranchissable. Elle, qui connut dans son enfance une rencontre, frappante et gravée dans son épiderme, avec un renard, a su surmonter ce très mauvais souvenir et est venue partager 8 semaines avec nous. Pire, ou mieux que dis-je, Aneta a même fait copain-copain avec un jeune goupil des alentours. La petite boule de poils née ce printemps à 150 mètres de la maison croise régulièrement son chemin lors de ses balades boisées. Jusqu’à en prendre une photo, sur le vif, à la volée... Chapeau Aneta ! Et félicitations au goupil d’ici d’avoir su rectifier, un peu, la très mauvaise impression laissée par son lointain cousin moldave !


Il était une fois le goupil d’Aneta !
© Aneta Gonta

Aneta en goguette
Si être en résidence sous-entend une certaine soumission volontaire à l’isolement, il serait dommage de ne pas se ressourcer en profitant pleinement des richesses locales. Plaisirs qu’Aneta s’est laissé présenter au rythme acceptable d’une sortie par semaine. Une pause hebdomadaire, voilà qui ne perturbe pas trop son dialogue intérieur avec Ion Druță ! Ainsi, nous avons picoré de Bordeaux à Limoges ; de Sarlat à Domme, via les grottes de Lascaux ; de Cognac à La Rochelle... sans oublier, bien entendu Brantôme et Périgueux, nos deux pépites locales ! Des occasions incomparables de jouer les touristes ; boire du Cognac dans les chais de la Maison Courvoisier ; admirer des peintures rupestres vieilles de 20 000 ans ; comparer les artisanats d’ici et de Moldavie ; écouter en voiture Pomme, Clara Luciani, Feu ! Chatterton, Salomé Leclerc, Oum, Souad Massi, Ablaye Sissoko...
Lors de soirées tranquilles, nous avons refait le Monde : tenté de brosser les perspectives politiques de la Moldavie ; vainement parlé des infox et des réseaux sociaux qui nous éloignent du raisonnable ; goûté du beurre de truffes et fêté quelques anniversaires ; débattu sur moult sujets de société ; rencontré beaucoup d’amis musicien, écrivain, journaliste et des membres de l’association de la maison du Goupillou...
Une résidence doit être une expérience inoubliable, non ?


Monpazier
© Le blogue du Goupil

Aneta passe le relais ?
De passage à La Rochelle, nous avons visité la Maison des écritures où séjourne actuellement l’autrice et poétesse guyanaise Emmelyne Octavie. Une rencontre bien sympathique qui, peut-être, un jour prochain, se transformera en résidence à la maison du Goupillou. Emmelyne est invitée, à nous de trouver le mécanisme, que dis-je l’alchimie, qui rendra ce projet réaliste !


Aneta, Nelly et Emmelyne sous le soleil rochelais
© Le blogue du Goupil

Arnaud Galy - 14/08/2021